
Près de 500 kilomètres séparent mon village de Kafountine. A l’époque, parcourir cette distance en voiture et en un seul jour était quasiment impossible. Sinon il fallait s’aventurer à effectuer plus de dix-huit heures de route et finalement, arriver en situation moribonde. La cause était que la route n’était pas bien goudronnée. J’avais toujours eu peur quand on croisait d’autres voitures dans les nombreux nids-de-poule où la poussière nous saupoudrait.
Donc nous avons voyagé deux jours en faisant une escale à Kolda chez mon grand-père Aly Mballo, l’ancien chef de Garage de la ville de Kolda. Sûrement, certains lecteurs, surtout ceux dont leur « civilisation » est différente de celle de l’Afrique vont se demander, « mais il a combien de grand père lui ? » mdr !
En réalité nous n’avons pas la même façon de définir la famille et de distinguer les membres de celle-ci. Dans la société africaine, les frères de ton père sont tes pères et non tes oncles. Leurs enfants sont tes frères et tes sœurs et non tes cousins et tes cousines. Les frères et sœurs de ta maman sont tes oncles et tes tantes. Ainsi, leurs enfants sont tes cousins ou tes cousines. Il n’y a pas de demi-frères ni de demi-sœurs dans la société africaine, en tout chez les Peulhs. Les enfants de tes frères sont tes enfants. L’inconnu qui a l’âge de ton grand père est ton grand père. De la même façon, celui qui à l’âge de ton papa est ton papa, ainsi de suite. Même les voisins font partie de la famille, hein.
Bref, comme le dit l’adage « la famille africaine est élastique ».
Avec la vitesse de la voiture, je contemplais bien le paysage. D’ailleurs, j’avais l’impression que c’était les arbres qui bougeaient et non la voiture, waouh, c’est fou ça.
VELINGARA
Arrivé à la gare de Vélingara, ville situé à 123 km de la région de Kolda, mon grand père Souleymane Kandé est descendu. Mais avant de partir il me donna un billet de 1000 franc cfa et formula des prières pour moi, amen. Je n’oublierai jamais ça.
Dans ce garage plein de voitures de tous genres et de couleurs différentes j’observais avec étrangeté et j’étais envahi par un sentiment d’ébahissement que je ne pourrais expliquer.
Et là, je découvrais un nouveau monde, très différent du mien. Un monde où des femmes portaient des pantalons, une chose que je n’avais jamais deviné auparavant. Un monde où des enfants mendiaient auprès des inconnus. A chaque fois qu’une voiture arrivait, les marchand(e)s ambulant(e)s et les enfants mendiants (appelé Talibé) se précipitaient auprès des fenêtres des voitures. Les premiers proposaient leurs marchandises accompagnées de baratin et les seconds y glissaient leurs petites mains « sales » pour demander de l’argent, eux aussi avec des formules de prière.
J’étais impatient de quitter cet endroit. Mais tel n’était pas le cas du chauffeur qui était occupé à chercher d’autres clients pour remplir sa voiture avant de reprendre la route à nouveau. Donc je pris mon mal en patience. Je le voyais parler aux voyageurs, sûrement il marchandait sur le tarif. J’ai appris plus tard que, dans ces garages, le mieux c’est de se faire répéter le prix par plusieurs voyageurs pour éviter de se faire arnaquer par les billetteries ou le chauffeur lui-même.
VERS KOLDA
Finalement, on reprit la route. Le silence gagna la voiture à nouveau. Mon père ne me parlait pas beaucoup. Moi aussi. Que devions-nous nous dire, au fait ? En tout cas je ne lui avais rien dit même si j’avais des tonnes de questions auxquelles j’essayais de répondre dans ma petite tête. Mais ce silence entre père et fils n’était guère synonyme de solitude. Il m’aime éperdument, et je n’ai jamais douté de son amour inconditionnel.
Nous avons traversé de nombreux villages séparés, pour la plupart, par des kilomètres de forêt. Les villages peulh étaient faciles à reconnaître de par leurs architectures où les concessions sont serrées les unes contre les autres et séparées par des petites ruelles.
Après chaque village on apercevait des champs de mils, d’arachides, de maïs, de cotons, des pâturages etc, où les animaux domestiques pacageaient paisiblement.
Nous arrivâmes enfin à Kolda, et une voiture nous déposa chez mon grand père. C’est dans cette maison que j’ai vu, pour la première fois, des enfants de mon âge jouer au foot avec un vrai ballon surnommé ballon 600.
Chez moi, on fabriquait nos propres ballons qu’on appelé ouppé. C’était des chaussettes remplies de coton ou de chiffons qu’on attachait sous la forme d’un ballon. Je désirais jouer avec eux mais mon père voulait que je me repose car le lendemain nous devions reprendre la route. Alors j’ai obéi mais en allant ramasser la balle à chaque fois qu’elle sortait du terrain, mdr.
VERS KAFOUNTINE
Le lendemain tôt, on reprit la route avec une voiture plus « carcasse » que celle qui nous avait amenés jusqu’à Kolda. L’état de la route était encore plus abject. Là aussi, la forêt était encore plus dense et plus verte. La distance qui sépare les villages était plus longue. Les concessions, différentes de celles citées précédemment, étaient éparpillées et clôturées par des bambous -kirinting-, pour la plupart d’entre elles. Cette zone est peuplée majoritairement par des Diolas, des Mandingues, des Balantes, entre autres ethnies.
Nous passâmes par Tanaf, Ziguinchor, Bidiona, Diouloulou, etc., et arrivâmes enfin à Kafountine.
BALNDE LAYE, Madina Toul HOUDA
Commentaires
4 réponses à “Enfin Kafountine”
Tes histoires sont toujours aussi captivantes ! Merci de me faire voyager à chaque lecture.
Impatiente de te relire.
Peace and love. (Ta 1ère fan) Jocelyne
Fier de toi frère.Continue dans cette lancée.L’histoire est très captivante
Merci à vous
Vraiment rien n’a dire wallahi bonne continuation laye