Ti Sonson et l’altérité métropolitaine

Après avoir sauté la chronique du mois d’Aout j’ai promis à Alychouette de faire une chronique ce mois ci. Tant bien que mal je me suis donc battu contre une ennemie redoutable j’ai nommé la procrastination pour rédiger quelque chose. Comme l’annonce le titre je vais traiter de la notion d’altérité et le rapport que Ti sonson entretient avec ce concept et certaines notions qui lui sont liées. Déjà qu’est ce que  « l’altérité » ?.

Selon le dictionnaire Larousse : état, qualité, de ce qui est autre , ce qui est distinct. L’altérité c’est donc tout ce qui est différent  de la chose que l’on considère. Qu’est ce qui donc est différent de Ti sonson ? Certainement pas Ti Sonson lui même… Souvenez vous ici que ti sonson est l’antillais, l’ultra marin « moyen » . Ti sonson s’oppose donc au français métropolitain, au « français de France » . L’altérité pour ti sonson s’illustre dans cette figure du français qui lui vit en Hexagone. Pourquoi ? Parce que déjà il y a une distance géographique , physique réelle et significative entre ti sonson et son concitoyen continental qui s’élève à environ 7000 km soit 8h de vol. Par ailleurs l’imaginaire collectif métropolitain et l’imaginaire collectif ultra marin tendent tous deux à accentuer les différences déjà existantes entres les deux territoires ainsi que leurs habitants.

Certains métropolitains s’imaginent les Antilles comme des iles paradisiaques ou la technique et la technologie seraient absentes : « Vous avez internet la bas ? » demandent ils en croyant connaître la réponse. D’autre encore se demandent si la monnaie utilisée en Martinique est aussi l’euro. Sans compter les stéréotypes raciaux qui s’ajoutent à ces questions bien souvent innocentes.  Ti sonson fraichement débarqué peut facilement se vexer ou se sentir gêné face à toutes ces questions qui lui semblent absurdes. Une grande envie de mépriser ses concitoyens peut alors monter en lui . A cet instant il est crucial pour lui de se rappeler d’une chose : bien souvent les gens qui posent ces questions n’ont jamais mis les pieds hors de l’Europe voire hors de la France peut être même pas hors de leur département. C’est à cet instant que Ti sonson doit se rappeler que sa situation est particulière. En effet peu de personnes font 8h d’avion pour aller s’installer dans un autre pays. Comme je le dis plus haut même parmi les hexagonaux qui voyagent peu d’entre eux sont sortis de l’Europe et même parmi ceux qui en sont sortis combien ont visité des lieux ou les habitants et leurs mœurs étaient sensiblement différentes des leurs ? Aller dans un pays éloigné pour dormir dans un hôtel de luxe fréquenté par d’autres touristes ne donne pas vraiment une idée claire des différences culturelles entre mon pays d’origine et celui que je visite. Pour s’imprégner de la culture d’un pays il faut y demeurer longtemps et au sein de la population locale , il faut y vivre en somme. Cela s’avère impossible pour la majorité d’entre nous.

Ti sonson est donc une personne exceptionnelle, quand il s’installe pour faire ses études il vit au milieu de la population du territoire  d’arrivée pour une période d’au moins un an , et souvent plus. Et c’est précisément ça qui le différencie. A moins d’arrogance permanente en arrivant dans un nouvel environnement on se considère souvent comme plus bête que les autres ou au moins aussi bête. Et pourtant Ti sonson a bien souvent une botte secrète. Il n’est pas forcément plus cultivé ou plus intelligent que son homologue vivant sur le vieux continent, mais il a bel et bien, la plupart du temps quelque chose en plus. Cette chose c’est son vécu, son expérience passée qui lui permet de vivre une expérience unique à son arrivée et pas n’importe laquelle : celle du relativisme culturel. Il en fait non seulement l’expérience de façon empirique et non pas a priori (par les sens et non pas par une expérience de pensée) et aussi de façon plus ou moins fréquente et frappante selon le décalage entre l’espace de départ et celui d’arrivée.  Cette expérience est assez extraordinaire, peu de personnes y ont réellement accès de façon aussi claire et précise. Et c’est surtout cela que Ti sonson ne doit jamais oublier.

Ce décalage et cette distance culturelle peuvent, si l’on veut, être utilisés pour prendre du recul avant d’effectuer un jugement sur telle ou telle pratique de notre espace d’origine ou d’arrivée. De la même façon que ce dernier peut être surpris son concitoyen le sera au moins autant que lui.  « chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage » disait Montaigne. Les pratiques culturelles dans chaque société sont jugées par rapports à un ensemble de valeurs qui diffèrent. La même action dans deux sociétés différentes peut être jugée différemment parce que les critères de jugement ne sont sans doute pas les mêmes. Cette chronique loin d’être un sermon moral sur « la tolérance » (qui d’ailleurs signifie plutôt endurer ou supporter qu’accepter) est plutôt une tentative qui vise à désamorcer les jugements hâtifs débouchant bien souvent sur des condamnations morales.