Quoi écrire, n’est pas la question que je me suis posée devant mon clavier pour écrire ma deuxième chronique.
Dans la première, je vous avais dit que j’étais né deux fois. Alors, je me demande plutôt sur quelle partie de ma vie écrire ? Ma première naissance ou la seconde ?
Bref, je vais raconter les deux à la fois.
J’avais 6 ans quand mon père a envoyé Gassimou Mballo (notre voisin) venir me chercher à Talicoelle (dans notre campement, 18km de Madina Houda). Je me rappelle encore de ce jour là comme si c’était hier. Ah oui ! C’était fin septembre. D’habitude, durant ce mois le climat est peu favorable et procure un inconfort dans ce milieu.
Mais ce jour là, tout était différent. D’ailleurs, je n’avais jamais vu un temps pareil, ni avant cela, ni par la suite tellement qu’il faisait beau.
Je jouais aux dames avec mon cousin Tidiane Boiro quand Gassimou est arrivé avec son vélo. Même si on ne comprenait pas trop les règles du jeu, on jouait quand-même. Il est parti directement parler avec ma grand-mère Mariam Kandé.
Ainsi elle m’appela et m’annonça que mes parents avaient décidé de m’amener étudier à l’école française de Kafountine.
Rien que l’idée de quitter Talicoel pour rentrer au village me faisait grand plaisir. Je me suis vite préparé mais la nouvelle est passée encore plus vite car rapidement, toute la famille et les voisins se sont réunis chez nous pour prendre congé de moi comme si je n’allais jamais revenir.
Oh ! J’ai vraiment horreur des au revoir, surtout avec la famille, les amis… En ce bref instant, je reconnu sur mon visage cette expression pleine d’ardeur et de joie de vivre qui comble mon âge immature d’un contentement ineffable.
Assis sur le porte-bagage du vélo de Gassimou, nous laissâmes derrière nous des yeux pétillants de contentement et des mains tendues dans l’air pour me souhaiter pleines de choses.
Sur le chemin, je pensais à pleines de choses. Mais j’étais trop jeune pour penser que j’avais un avenir légitime.
Cependant, mon père, lui, avait déjà tout planifié, tout calculé. Oui ! Il était persuadé que la vie, la vraie vie, celle qui est riche d’aventures, riche d’humanité, d’héroïsme, la vie merveilleuse et glorieuse à laquelle il aspire se trouvait ailleurs. Elle se trouvait loin de notre village, loin de cet univers religieux où les seules activités étaient l’agriculture et l’élevage.
Mais, il ne s’apitoyait pas sur son sort et ne cherchait pas des circonstances atténuantes et ne se plaignait pas d’être mal né, en un temps et en un lieu qui auraient été mal choisis par le destin.
Et, moi, ignorant que j’étais à l’époque, je n’avais jamais torturé mon cerveau d’enfant pour tenter de savoir qu’un monde différent du nôtre existait ailleurs. Je croyais que le monde se résumait à être musulman et peulh.
A vrai dire, mon père n’est pas un astrologue pour lire dans les étoiles l’avenir de son fils mais il savait que mon destin était ailleurs.
Cependant, persuader ceux de mon village de cette idée, mon grand-père en particulier, était une chose difficile. Très difficile surtout que ces derniers étaient « handicapés » par des idéaux et des illusions.
Mon père avait refusé de danser leur musique. Il était vraiment inflexible, je le reconnais. Mais quand-même il avait l’appétit de vivre, une véritable fringale de vivre. En tout cas je suis content qu’il ait eu cette philosophie, cette ouverture d’esprit.
En réalité, dans l’échelle des différents types de classes, mon grand-père se classait dans la « classe moyenne », donc mon père aussi. Oui, moi aussi. Et mon père réalisa que notre famille était toujours au point de départ malgré notre statut dans le village.
Ah, oui ! Certaines familles étaient dans un trou, dans les abîmes, dans la cave d’aisance humaine, dans le charnier de toute considération sociale.
Cela faisait une peur énorme à mon père. Me voir grandir dans cette localité de « misère », était pour lui inimaginable.
Pour ceux de mon village, à cette époque, la vie se résumait à une affaire de nourriture et d’abri. Et pour satisfaire ses besoins, il fallait vendre son expérience aux seules activités qu’ils savaient faire : cultiver et élever.
Effectivement, pour trouver nourriture et abri, il était impératif de vendre ses muscles, sa sueur au sol et d’enjamber toute la journée derrière des animaux. Et, pire, pour renouveler son stock de muscles et de sueur, ils étaient obligés de faire beaucoup d’enfants.
Mon grand-père, lui, en avait fait 10 en dépit du fait que sa deuxième épouse était stérile, malheureusement. Ou devrais-je dire heureusement ? Je ne sais même pas. De toute façon cela m’est égal dans la mesure où ce n’est pas à moi d’en juger.
Aujourd’hui, je me rends compte que les muscles et les enfants étaient à cette période des marchandises en quelque sorte. Mais plus ils en vendaient, moins il leur en restait, et c’était la faillite. Ceux qui n’avaient pas eu la chance d’avoir ces atouts, sont ceux qui descendaient au plus profond de la cave de la société et y périssaient lamentablement, « ndeysane ».
-Putain, quelle vie ! Marchand de muscles ! Waouh.
Je sais que mon père disait ça aussi. Lui, il voulait que je devienne un « marchand de cerveau ». Autrement dit, il fallait m’éloigner des autres marchands. Il fallait que j’intègre l’école française.
Oui, j’ai compris que mon père est un véritable socialiste, un idéaliste qui, sans faire d’études savait comment construire le monde de demain.
Bref, mes parents avaient une vision pour moi, une vision plus haute et plus vaste que leurs ventres et leurs cases.
Assez parlé de mon père, il est 3h du matin alors j’arrête là, même si je n’ai pas envie. Je suis sûr d’une chose, je peux écrire une encyclopédie sans finir de raconter les merveilles que ma MAMAN a apportées dans notre famille. Elle est l’arme secrète de mon père.
BALNDE Abdoulaye, M. Houda
Commentaires
22 réponses à “Mon père, un « Marchand de muscles et de cerveau »”
Wawww wawww quel beau recit et qu’elle triste realité de chez nous.
Mes encouragements le petit berger et bonne continuation à toi!
Merci bcp pour tes encouragements
ouffff merci beaucoup
Machala avant même d’arriver a la fin j voulais te demander mais tu n parles que de ton père mais je vois qu’à la fin tu l’a introduite intéressante comme description j’aime lire les aventures bon courage et bonne chance et j’attends la suite avec impatience.. A très bientôt
ajarama cousinetttttteeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeee
Waouhhh super vraiment tu nous fait vivre les délices de lenfance ,la fiertê de ton appartenance et le role de nos braves parents du courage chef et bonne continuation le meilleur reste a venir 👏
Muscles avec s et cerveau sans s ton père est un départ un bon parcours mais avec un une arrivée tardive mais je dirais tout simplement dans la simplicité que t’a été simple ave un s.
Je prends note merci bcp Gandal
Cool
the chronicle is simple, clear, precise. That’s the story that was told. We feel the originality. Good following dear friend, warmly my best wishes in this feather.
Tu me fais voyager á chaque fois que je lis tes histoires., et je reste en haleine
Je me demande c’est quoi la suite, et je laisse mon esprit imaginer comme dans un roman. Je remercie ton papa et surtout toi de me faire voyager sur place.
C’est passionnant !
Intéressant ! Bon sujet et le style est adéquat.
Revoir l’emploi du verbe se rappeler, il est transitif direct. Pas de de.
Bon courage. La matière est là !
Waouh ! C cool laye je suis ému quand je lit des écris j’ai l’impression que tu raconte ma vie c super bonne continuation
tres cool abdoulaye mais je
suis impatient de lire la crhonique que tu vas ècrire sure Notre soeure ainèe (diadia FATOU )
C’est trés beau, je t’assure frero
Très
C’est intéressé
Je propose qu’il fasse des vocaux pour les paresseux comme moi
Très touchant ton histoire je ne retient qu’une seule chose dont je trouve vraiment importante c’est cette ouverture d’esprit de ton père. Si dans notre très chère pays et plus particulièrement dans nos villages tout les Papas avait la même vision que le tien ???? Dieu seul sais en tout cas c’est un jolie texte et une belle histoire très instructive good job
Vraiment je suis séduit par cette belle histoire. Ici on peut dire qu’il y a une prise de conscience du papa qui savait à cette époque que le monde de demain c’est-à-dire aujourd’hui appartient aux intellectuelles.
merci bcp sama sérère bii
Tu en aura encore beaucoup à écrire mon fils