Soir du 24 décembre, dans la cuisine d’une maison familiale au Morne Sirik. Catherine et Anne-Marie toutes deux sœurs et employées municipales malparlent des ich d’un tel frère et des tjanmay d’une tel cousine.
Nos makoum dans la fleur de la cinquantaine s’adonnent à l’art du malpalé, catholique bôkay elles refont le monde un accras à la main. Catherine l’aînée que Jean-Philippe a abandonnée plus tôt pour siroter du chodo avec beau papa, scrute la dégaine de Laetitia, la filleule d’Anne-Marie. La jeune femme de 19 ans est en vacances au pays durant les congés universitaires, koutja kon koutja fèt elle fait sa licence de comptabilité à Montpellier. Anne-Marie acquiesce avec elle que la mamzèle a pris du poids depuis les grandes vacances et que son petit ventre ferme a tourné boudinrhum. D’après le makrélaj Facebook Laetitia serait devenue dévergondée et alcoolique.
« Epi sé yen ki Macdo i ka manjé laba’a.
-Ha mé sa normal manmany pa sa tjuit an tjuis poul.
– Haha asé di bétiz ! »
Pendant ce temps sur la véranda les bruits nocturnes se mêlent aux éclats de voix et aux détonations des dominos fésé sur la table « Mim baw ! ».
Laetitia elle, est condamnée à distraire ses petits cousins, de temps en temps elle regarde l’écran de son smartphone. A 7000 kilomètres ses amies montées sur Paris lui envoient des snaps de leur bando, rhum coca, quiche et whyne sur une session shatta de dancehall, rien ne lui est épargnée. Elle aurait préférée y être plutôt que de devoir faire mine de pas voir le manège de ses tantes. L’an prochain, comme d’ailleurs ses grands cousins elle restera en France et se fera livrer son noël via colissimo se jure-t-elle.
« Hé hé Laeticia, poutji ou ka fè fidjiw fèw mal ? Ou té ké préféré rété an frédia ? (rires)
– A non tatie. Moi j’aime pas le froid ! (sourire)
– Mais sinon comment se passent les études ? haa ou rété spor la.
– Ça se passe bien mais j’ai trop de travail pour aller à la salle.
– Ha boulot boulot les études avant tout. Bon, vient nous aider à mettre la table. Dylan ! Annaelle ! Matice ! vini mété sé zasièt la asou tab la pou nou pé sa manjé »
Le repas continu, ponctué de conversations plates et de faux semblant , chacune des générations ne parlant que de thèmes abscons histoire de meubler le dîner sans avoir à trop se mouiller. Néanmoins toutes sont heureuses de boire du champagne.
Sébi,